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Archives du 12 août 2012

A la recherche d’un durettois oublié mais qui est toujours connu dans le monde anglo-saxon : le général Ruby.

L’association « Itinéraires, Patrimoine et Paysages » s’est investie depuis plusieurs semaines dans un projet de circuit thématique qui devrait être aidé par le Credit Agricole et qui porte sur l’eau, plus précisément sur la place de celle-ci dans le paysage qui se découvre tout au long de la voie verte dans la vallée de l’Ardiéres. Un petit groupe de travail a été constitué qui s’attache à mettre à jour l’histoire de divers sites de ce secteur dont le joli hameau de Durette, riche en anecdotes locales, est le centre. C’est ainsi que des membres du groupe ont évoqué la figure du général Ruby qui dans les années 50-70 habitait l’Ermitage, une villa qui se trouve sur la droite en bordure du chemin des muriers lorsqu’on vient du château de La Pierre.

Le général Ruby, un pionnier de la lutte anti-grêle.

Frederic Ruby est né le 22 décembre 1883 à Beaujeu. Il était ingénieur. Lorsque la guerre de 1914 éclata il entra dans l’aviation.Il fit partie avec Guynemer et d’autres, des as du premier conflit mondial. Après la guerre il resta dans l’armée où il fit carrière. Passionné de météo, il devint vice-président de la société de météorologie du Rhône.C’est ainsi qu’il s’intéressa, durant sa retraite qu’il passa à Durette, à la lutte anti-grêle dont il devint un spécialiste auteur de plusieurs livres. On sait combien la grêle, cet accident météorologique dévastateur pour la végétation, est craint par nos viticulteurs. Afin de les aider le général Ruby était devenu le promoteur de diverses techniques permettant de forcer une formation nuageuse à se transformer en une pluie abondante plutôt que de se déverser sur le vignoble en une terrible mitraille de grêlons. Le général Ruby recherchait ce résultat non par des incantations mystérieuses de chaman faiseur de pluie mais par la dispersion massive d’iodure d’argent dans le nuage, soit en y expédiant des petites fusée, soit en le faisant survoler par un avion robuste, le pilatus, qui est utilisé par l’aviation de montagne.L’iodure d’argent a pour effet de précipiter le déclenchement de la pluie.

Il y avait aussi les canons anti-grêle qui ressemblait à de très gros tromblons posés sur le sol.Ils ne tiraient pas des projectiles mais provoquaient une très forte détonation due à une explosion d’une charge d’explosif (de la poudre puis un mélange comportant de l’acétylène). L’onde de choc de la déflagration, en se propageant jusqu’au nuage, était supposée y perturber la formation des grêlons.Certains de nos anciens se souviennent encore du fracas de ces coups de canons.
J’ai retrouvé deux reportages télévisés conservés par l’INA, l’un datant des années 50 montre le général Ruby avec ses amis, au look très «tontons flingueurs», essayant de remplir un barrage en provoquant de la pluie grâce à des fusées tirées dans les nuages ; l’autre reportage datant des années 70 traite de ces technologies (fusées et avions) vraiment surprenantes de lutte contre la grêle telles qu’elles étaient alors utilisées en Beaujolais. On retrouve quelques unes des grandes figures de la viticulture de cette époque, lesquelles font elles aussi très «tontons flingueurs», coiffées avec ces petits chapeaux qu’affectionnent les jeunes d’aujourd’hui. Le tout est émouvant et se regarde avec une certaine nostalgie.

L’autre video trés pittoresque se trouve à l’adresse suivante:

la-lutte-contre-la-grele-par-l-union-viticole-du-beaujolais.fr.html

Les continuateurs du général Ruby aujourd’hui dans le monde

La lutte anti-grêle conduite par ces dispositifs quasi militaires est aujourd’hui abandonnée en beaujolais. Quant au général Ruby il est oublié de la grande majorité des duregnatons. Des anciens m’ont expliqué que cette défense anti-grêle était trop coûteuse ; d’autres m’ont dit qu’elle était suspectée de faire tomber la grêle à coté de l’endroit qu’elle était censé protéger, et que les voisins râlaient, d’autres enfin m’ont assuré que les misions aériennes étaient dangereuses et qu’il arrivait que l’avion revienne comme d’une mission de guerre criblé d’impacts non pas de balles de mitrailleuse mais bien de grêlons !

Cet épisode étrange et quelque peu épique d’une guerre aérienne livrée aux orages ainsi que le personnage étonnant du général Ruby ont excité ma curiosité.Aussi ai-je décidé de creuser le sujet. J’ai ainsi découvert sur internet que le général Ruby était encore cité dans des travaux de météorologues anglo-saxons. J’ai découvert également que la technique des canons anti grêle, ici et là, dans le monde étaient toujours utilisée ; par exemple pour protéger les cultures le long de la chaine de l’Himalaya, dans Himalacha pradesh, Etat indien connu pour sa production de pommes. Pour avoir longé une nuit en avion de ligne la chaine himalayenne alors qu’elle était frappée par des salves impressionnantes et inlassables d’éclairs sur des centaines de kms je me dit que la grêle doit effectivement y être terrifiante.

Les canons sont également utilisés chez nous dans le sud-ouest et, depuis peu, ils le sont à nouveau dans des domaines viticoles du bordelais.

Des fusées anti-grêle impressionnantes sont surtout fabriquées aux USA, en Russie, en Chine, en Serbie. Apparemment ce sont des constructeurs d’armes (on pense aux «orgues de Staline» du second conflit mondial) qui se sont ainsi diversifiés.Pour protéger les jeux olympiques de Pékin les chinois ont tiré avec de l’artillerie anti aérienne classique des obus spéciaux anti grêle mais aussi des fusées plus proches des missiles militaires que des grosses fusées de feu d’artifice du général Ruby.Ils ont mis en place un vaste programme de prévention de la grêle qui est sans doute le plus développé aujourd’hui au monde.Leur dispositif de lanceurs de fusées est impressionnant.

Une nouvelle technique se répand depuis quelques années qui est celle des générateurs anti-grêle placés sur le sol.Ces générateurs vont penser à des braseros qui comporteraient des feux de Bengale propulsant de l’iodure d’argent vers le ciel à la façon des fontaines des feux d’artifice.En France cette technologie est promue par une association d’agriculteurs et de scientifiques, l’ANELFA.

Des recherches et des expériences portent également aujourd’hui dans le monde sur le remplacement de l’iodure d’argent par du sel marin en poudre sont en cours.

Les différentes techniques qui viennent d’être évoquées font l’objet de vifs débats. Plusieurs scientifiques soutiennent que les canons ne servent à rien et que l’efficacité des fusées et des ensemencements en iodure d’argent des formations orageuses par avion ou par fusée serait loin d’être prouvée. Autre obstacle, l’iodure d’argent serait dangereux pour la santé. Il semblerait que les assureurs américains ne s’intéresseraient à ces dispositifs que s’ils sont structurés en un réseau suffisamment serré et donc coûteux.Certains spécialistes estiment,en effet, que l’efficacité de ces techniques dépendraient de nombreux paramètres qui ne seraient pas toujours réunis : alerte radar intervenant au bon moment, densité suffisante du réseau, certains types de configurations nuageuses seraient vulnerables mais pas toutes etc.

Qui sait: peut être qu’un jour Alain Laforest vendra à nos viticulteurs des missiles et des drones anti-grêle et que le 14 juillet défilera à la suite des pompiers un pick-up équipé d’une rampe lance fusées façon armée rouge sur la grande place du Kremlin !

IPP souhaite mettre à l’honneur la figure du général Ruby

Si mes investigations s’avèrent aussi prometteuses que je l’espère, elles pourraient se conclure par une publication, par une exposition, voire même par une émission télévisée sous l’égide d’IPP.Il serait juste que soit mise à l’honneur la mémoire de ce personnage tout à la fois scientifique, altruiste, aventureux qu’a été le général Ruby.Ce travail de mémoire pourrait être élargi à une présentation de l’état actuel des connaissances concernant la prévention anti-grêle. Ce sont là autant d’angle d’approches touchant l’histoire et la vie de notre commune et plus largement celle du beaujolais viticole qui exciteront la curiosité des petits comme des grands..

Si des lecteurs du blog, notamment parmi nos anciens, disposent de documents ou bien ont gardé le souvenir du général Ruby et de ses amis je leur serait très reconnaissant de m’en faire part et de contribuer ainsi à la réussite de ce passionnant travail de mémoire.Ils peuvent me joindre par téléphone (je suis dans l’annuaire) ou par mail à l’adresse suivante : deromefort@gmail.com

Alain de Romefort

membre du bureau d’IPP